Philosophie


LETTRE / MANIFESTE : 
Candidature du Collectif TIF  au Festival Premiers Pas
[ Le Festival Premier Pas est né de la volonté d'Ariane Mnouchkine d'ouvrir son théâtre à des jeunes troupes afin de leur permettre d'y jouer un premier spectacle  et d'y rencontrer leur premier public. À l’origine du festival, il y a le constat que l’esprit de troupe a besoin d’un espace pour exister. Dans un milieu professionnel favorisant presque exclusivement les carrières individuelles, rien aujourd’hui n’encourage les jeunes acteurs qui le désirent à se lancer ensemble dans une aventure théâtrale qui dépasse le temps d’une simple production et qui soit ambitieuse par le nombre.]

Enfin, à l’instar des différentes créations sur lesquelles nous nous sommes alliés à d’autres compagnies (Rue libre, fêtes de quartiers, etc.), nous prenons le projet de la Grande Compagnie comme un défi tentant, excitant. Simplement éphémère, simplement présent.
  
Un festival / Et puis quoi encore....

Heureux hasard que de tomber sur un manifeste qui transmet simplement et sincèrement ce que c’est que Travailler Ensemble. Car au-delà de toute envie ou volonté de travail en collectif, il y a la mise en application, la création proprement dite et les mises en danger qui lui sont inhérentes. Il existe des barrières concrètes qui entravent nos rêves de création : à nous de les franchir, de les enfoncer, de les chevaucher voire de les démonter.

Dans la réalité de notre vie de collectif, de T.I.F, de Collectif T.I.F, les difficultés liées à la création à dix personnes sont conséquentes : difficultés humaines, financières ou logistiques. Néanmoins, nous avons décidé, dès l’origine de notre association, de prendre le chemin le plus long, le plus compliqué, mais le bon : celui d’être con. Nous sommes cons. Des cons vivants. Cons comme des bons vivants. Ne faut-il pas être con pour prendre des mi-temps inintéressants, juste pour avoir le temps de se rencontrer, de répéter et le minimum vital pour continuer? Ne faut-il pas être con pour travailler à monter nos propres créations, à dix illustres inconnus, dans des endroits improbables et sans autre financement que des reliquats de RMI ou d’Assurance chômage, nos financiers les plus « stables » ? Ne faut-il pas être con pour l’admettre et continuer, malgré tout, dans ces conditions? Certainement, mais il nous est malheureusement impossible de  faire autrement, pour l’instant.

Le Collectif T.I.F a pour ligne de conduite d’aller à la rencontre de Pierre, Paul ou Jacqueline, sans autres outils que ses quinze cerveaux en ébullition : onze au cœur de la création et quatre en soutien indispensable tant au plan administratif, juridique, comptable que pour remonter le moral. C’est  un combat incessant, parfois fatigant mais toujours excitant que de faire vivre notre Collectif T.I.F., de le faire résister aux pressions environnantes. Manque de moyens, manque de soutien des institutions et obligation de « résultats » sont autant d’épées de Damoclès qui pèsent sur notre toute fraîche Licence, si difficile à obtenir. D’ailleurs, elle est pour ainsi dire notre seul signe extérieur de richesse aux yeux des « professionnels de la profession ». Mais quoique constamment sur le fil, nous continuons à prendre des risques pour échanger avec le citoyen lambda et rencontrer le public qui passe par là. Il nous faut résister pour prendre des risques. Résister à la morosité ambiante, et Attendre dans une vie pleine de petites histoires que la mort vienne.

Ce titre à rallonge, choisi pour notre dernière création, définit d’ailleurs assez bien notre vision du Théâtre et notre rapport au monde. Des histoires au présent, des passages éphémères, des désirs de rencontre, des « Free Hugs » ou étreintes gratuites, des aventures insolites, des paris fous dont Attendre... est la combinaison. Ce spectacle est notre première création collective tant pour la participation de l’intégralité du T.I.F. que pour l’apport de matériaux ou de la direction à prendre. Il part de la question de l’excès : Où est la frontière ? Qu’est-ce qu’un « débordement » ? Quelles sont nos expériences excessives ? La solitude, l’agressivité urbaine, l’amour du manque et le manque d’amour, le sexe exacerbé,  ces thèmes se sont alors imposés d’eux-mêmes. C’est là que nos personnages nous ont rattrapés. A nous de remonter sur scène pour les apprivoiser en attendant que la mort vienne.

A force d’épuiser tous les systèmes "D" nous nous demandons s’il nous sera possible de terminer cette création tant les contraintes sont grandes. Matérielles et logistiques d’une part : trouver une salle de répétition sur une période conséquente, trouver l’argent nécessaire à sa location, trouver des créneaux horaires communs à chacun d’entre nous …. Humaines d’autre part : conflits ou difficultés des relations humaines en groupe, prise en compte des avis de chacun et complexité de trancher, attente, motivation et investissement intrinsèquement liés à la variable Précarité. Le Festival Premiers Pas pourrait être un formidable tremplin qui permettrait au Collectif T.I.F. de résoudre les premières et d’aplanir considérablement les secondes.

Qui plus est, nos derniers rendez-vous avec « les institutions » (DRAC, C.G.) ont souligné une réalité que nous cherchions à mettre en avant : le Collectif. Non identifiable car non pyramidale, cette entité s’avère difficilement défendable auprès d’hypothétiques « subventionneurs » car elle est perçue comme une somme d’identités indéfinissables. Participer au festival Premiers Pas justifierait qu’une tierce personne « d’envergure » nous fait confiance, et nous donnerait une plus grande légitimité à leur yeux.

Nous tenterons donc de l’être aussi.                    
Bonne journée.

Nicolas Bertrand, Sylvestre Bigeon, Ghislaine Bouix, Maude Buinoud, Audrey Carrot, Etienne Chaffois, Romain Chaffard, Guillaume Cir, Anouck Couvrat, Laetitia Langlet, Floriane Martin, Elsa Mingot, Clémence Noble, Michel Pocheron et Henry Valencia.